L’évêque qui m’a ordonné a été lui-même ordonné par des évêques africains. Ma prêtrise est un don accordé par le corps du Christ dans son ensemble. En conséquence, la progression de l’Église dans le Sud à travers le monde ne m'est jamais apparue comme un fait sociologique lointain. C’est un fait personnel et vital pour mon travail. Je m’identifie davantage à des croyants parlant d’autres langues, ayant des couleurs de peau différentes et vivant à l’autre bout de la planète qu’à certains de mes compatriotes blancs américains vivant dans mon quartier.

C’est un miracle : un acte de grâce permanent qui aurait été impensable avant la venue du Christ. Jésus a créé une nouvelle famille dont la parenté prime sur les liens culturels, nationaux et biologiques. Mais toute miraculeuse qu'elle est, cette famille élargie affecte ma journée ordinaire : la façon dont je prie, adore, vote et pense à mes voisins, à mon Église, à moi-même et au monde.

Au début du 20e siècle, 80% des chrétiens vivaient en Europe et en Amérique du Nord, et seulement 20% dans le monde non occidental. Aujourd'hui, c’est presque l’inverse. Les deux tiers des chrétiens du monde vivent dans le Sud. Ce renversement n’est pas tant dû au déclin de la foi en Occident qu'à la croissance explosive de l’Église dans le reste du monde. Je vois cela dans ma propre communion anglicane, qui décline dans les pays riches occidentaux et s'épanouit dans le Sud.

Cette réalité me donne de l’espoir. L’avant-garde du mouvement chrétien ne se trouve pas sur les côtes américaines. La culture nord-américaine ne détermine donc pas l’avenir de l’Église. La sécularisation occidentale ou même la marginalisation du christianisme en Occident ont à peu près autant de chances de limiter l’épanouissement de l’Église que d'arrêter un ouragan ou changer les saisons. La croissance autochtone et le renouveau du christianisme mondial – qui auraient été inimaginables il y a à peine 100 ans – nous rappellent que nous n’avons pas besoin d’avoir peur. Dieu travaille sans relâche dans le monde.

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Cette croissance mondiale façonne également ma perspective sur la façon dont nous parlons de l’Église. Lorsque ma communauté de citadins normalement éduqués critique « l’Église », nous parlons le plus souvent de l’Église américaine voire même de l’Église américaine blanche. Compte tenu de notre contexte, cette simplification excessive a du sens, mais elle se focalise aussi subtilement sur les voix et les expériences des Américains blancs.

De même, lorsque les plus jeunes évangéliques quittent « l’Église » parce qu’ils sont frustrés par certains exemples occidentaux de celle-ci, ils s'éloignent simultanément de tout un corps majoritairement composé de personnes de toutes sortes de couleurs à travers le monde entier. Ces évangéliques du reste du monde préservent souvent l'unité de ce que de nombreux évangéliques américains blancs séparent trop facilement : un engagement équilibré entre une doctrine orthodoxe et le soin des pauvres et des opprimés.

Quand je pense aux évangéliques, je pense aux Singapouriens qui implantent des Églises en Thaïlande, aux familles rwandaises servant des réfugiés en Ouganda, aux séminaristes nigérians, ou aux evangélicos d’Amérique du Sud - une étiquette largement utilisée par les Latinos protestants. Nous devons garder ces voix au premier plan de toute discussion sur l’Église. Ils sont notre avenir, mais aussi notre présent – ceux qui composent la majorité des évangéliques sur terre.

Ces croyants du monde entier me rappellent également de ne pas abandonner ma propre Église. Il y a quelques années, je me suis surprise à penser : « L’Église américaine est en train de mourir et le mérite probablement, alors concentrons-nous seulement sur ce qui se passe ailleurs ». Je nous ai donnés pour perdu. Mais ensuite, mes frères et sœurs à l’étranger m’ont rappelé que bon nombre de ces mouvements maintenant florissants à l’étranger avaient commencé modestement. Des hommes et des femmes ont souffert avec joie pour l’Évangile. Ils continuent de le faire. Au milieu de la souffrance et même de la persécution, leur volonté est de poursuivre la mission de Jésus et d'aimer leur prochain. Nous sommes appelés à faire de même, où que nous soyons.

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Pendant la saison de l’Épiphanie, de nombreuses Églises anglicanes utilisent la liturgie kenyane, et chaque année cela me rappelle que l’Église - et même le monde évangélique à lui seul - est plus grande et plus complexe que mon contexte limité. Juste avant de prendre l’Eucharistie, le célébrant dit: « Le Christ est vivant pour toujours ». La congrégation répond : « Nous sommes parce qu’il est ». Parce que Christ est vivant, nous, l’Église mondiale, pouvons prospérer ensemble en tant que nouvelle famille. Je suis une disciple de Jésus, une anglicane évangélique et une prêtresse de l’Église du Christ, parce que nous sommes un corps mondial. Et nous sommes parce qu’il est.

Tish Harrison Warren est prêtresse dans l’Église anglicane d’Amérique du Nord et auteur de Liturgie de la vie ordinaire (Excelsis, 2018, original en anglais) et Prayer in the Night (IVP, 2021).

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