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Les « non dénominationnels » sont désormais le groupe le plus important des protestants américains

Le dernier recensement américain des religions révèle que les communautés indépendantes se sont multipliées au cours de la dernière décennie.
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Les « non dénominationnels » sont désormais le groupe le plus important des protestants américains
Image: Tyler Milligan / Unsplash

Les « non » sont en tête.

Pas les « non religieux », qui attirent l’attention depuis des années, alors que le nombre d’Américains qui ne s’identifient pas à une tradition religieuse spécifique est passé de 5 % seulement pendant la guerre froide à environ 30 % aujourd’hui. Non, je parle ici des chrétiens « non dénominationnels », des personnes qui se défont de leurs affiliations institutionnelles, se dissocient de la tradition et s’affranchissent des marques ecclésiastiques établies.

Le nombre d’Églises indépendantes a augmenté d’environ 9 000 communautés en l’espace d’une décennie, selon les nouvelles données décennales publiées par le dernier recensement religieux américain. Sans grand bruit, elles ont tranquillement remodelé le paysage religieux.

Il y a maintenant cinq fois plus d’Églises non dénominationnelles que de paroisses de l’Église presbytérienne aux États-Unis. Il y a six fois plus d’Églises non dénominationelles que d’Églises épiscopaliennes. Et il y a 3,4 millions de personnes de plus dans les Églises non dénominationelles que dans les communautés des Baptistes du sud.

Si « non dénominationnel » était une dénomination, ce serait la plus grande dénomination protestante, avec plus de 13 % des pratiquants en Amérique.

« Les deux plus grandes évolutions de la religion aux États-Unis, ce sont les non religieux et les non dénominationnels », déclare Ryan Burge, professeur de sciences politiques à l’Eastern Illinois University et expert en données démographiques religieuses. « Nous sommes dans une période de transition pour les dénominations protestantes. »

Les chrétiens non dénominationnels n’apparaissent pas dans les sondages religieux aux États-Unis, parce que les gens ne considèrent pas « non dénominationnel » comme une identité. Il est plus probable qu’ils se disent simplement « chrétien », ou peut-être « protestant ». Si on leur demande, ils pourront préciser s’ils se considèrent ou non comme évangéliques ou nés de nouveau. Mais peu d’entre eux, voire aucun, se déclareront « non dénominationnel ».

Le US Religion Census (recensement des religions aux États-Unis) permet toutefois d’identifier le nombre croissant de chrétiens non dénominationnels, car il s’agit d’un véritable recensement, dans lequel des équipes dénombrent les communautés et établissent des rapports sur le nombre de personnes fréquentant les différentes Églises. Depuis que le National Council of Churches a lancé le projet en 1952 et que l’Association of Statisticians of American Religious Bodies l’a relancé en 1990, ce décompte décennal est devenu la mesure la plus officielle des groupes religieux dans le pays.

En 2010, ce décompte recensait 35 496 communautés indépendantes sans affiliation dénominationnelle formelle. Le chercheur à la tête du projet, Scott Thumma, déclarait à CT qu’il y en avait certainement plus, mais qu’il s’agissait du comptage le plus précis jamais réalisé jusqu’à présent.

En utilisant la même méthode en 2020, l’équipe du US Religion Census a trouvé 44 319 communautés indépendantes, avec un nombre d’adhérents estimé à 21 millions. Cela fait des chrétiens non dénominationnels le premier ou deuxième plus grand groupe de protestants en Amérique, selon la façon de compter. Les baptistes du Sud ont environ 7 000 Églises de plus, mais 3,4 millions de membres en moins.

Le groupe protestant suivant, les méthodistes unis, ne peut revendiquer qu’environ la moitié du nombre de personnes recensé chez les baptistes du Sud, et la dénomination a perdu un certain nombre de communautés dans une scission depuis que le recensement en avait comptabilisé un total de 30 051 en 2020.

Scott Thumma, l’un des quelques experts et observateurs attentifs qui ont suivi la croissance non dénominationnelle au cours de la dernière décennie, pense que plusieurs facteurs sont à l’origine de ce qu’il décrit comme « un individualisme au niveau communautaire ».

Il s’agit de l’expression d’un « individualisme organisationnel qui va de pair avec l’individualisme personnel », dit-il, qui permet aux Églises de se libérer du poids de certains bagages culturels.

« C’est un avantage en matière d’évangélisation », estime Scott Thumma. « Un visiteur potentiel d’une Église non dénominationnelle n’a pas d’attentes culturelles quant à ce qu’il pourrait trouver à l’intérieur, comme c’est le cas avec une étiquette épiscopalienne, Assemblées de Dieu ou baptiste du Sud. Le visiteur doit faire sa propre expérience du culte. »

Cela peut être particulièrement intéressant pour des évangéliques qui s’inquiètent du fait que le terme évangélique soit devenu un repoussoir.

« Que cela soit dû à des liens avec la rhétorique nationaliste chrétienne ou avec [l’ancien président Donald] Trump et le parti républicain, j’entends partout des gens qui essaient de trouver un terme plus approprié que celui d’évangélique pour se décrire », rapporte Scott Thumma. « Comme si la marque était trop ternie pour pouvoir être remise en valeur. »

La croissance des non dénominationnels a également été soutenue par un écosystème d’éditeurs et d’organisations paraecclésiales qui produisent du contenu religieux non dénominationnel. Historiquement, les dénominations fournissaient aux Églises de la musique, des programmes pour l’école du dimanche et des programmes d’études bibliques. Elles organisaient également des voyages missionnaires et humanitaires. Mais cela a changé, et les communautés sont désormais plus enclines à faire leur propre tour du marché.

Aujourd’hui, même certaines Églises dénominationnelles finissent par être « fonctionnellement non dénominationnelles », déclare Scott Thumma, « faisant défection ou cessant d’entretenir les liens […] et créant leur propre marque locale. »

Cela ne signifie pas pour autant que les dénominations évangéliques disparaissent. Selon ce recensement de 2020, de nombreuses dénominations évangéliques ont connu un léger déclin, mais leur nombre n’a pas chuté.

La Christian and Missionary Alliance (CMA) a perdu environ 200 communautés entre 2010 et 2020. Les Églises du Christ ont perdu environ 700 communautés ; l’Église Foursquare, 400 ; les baptistes libres, 350 ; l’Église de Dieu (Cleveland, Tennessee), 180 ; l’Église wesleyenne, 150 ; Vineyard, environ 50.

L’Église anglicane d’Amérique du Nord, bien que le plus important des nombreux groupes ayant quitté l’Église épiscopalienne, est passée de 913 paroisses à 873.

Les autres dénominations ont progressé, mais pas de manière significative. La Convention baptiste du Sud et les Assemblées de Dieu ont grandi d’environ 500 communautés chacune. L’Église presbytérienne d’Amérique en a ajouté environ 100 ; l’Église du Nazaréen, 100 ; et les Églises évangéliques libres, 250.

Certaines Églises protestantes noires ont également connu une modeste croissance. L’Église de Dieu en Christ a été rejointe par plus de 300 communautés entre 2010 et 2020. L’Église épiscopale méthodiste chrétienne a crû d’environ 150 communautés et les baptistes du plein évangile d’environ 100.

Selon Cliff Grammich, président du comité de l’association des statisticiens chargé du recensement décennal, les données du recensement reflètent le paysage religieux au début de la pandémie de COVID-19. Certaines informations ont pu arriver un peu avant et d’autres après que les organisations religieuses aient commencé à ressentir l’impact de la pandémie. Le rapport de 2020 servira de référence pour les études ultérieures sur les éventuels effets à long terme de la pandémie.

Constater « l’augmentation de l’affiliation ou de la désaffiliation en réponse à la pandémie et à ses conséquences prendra du temps », estime Cliff Grammich.

Comme le recensement compte les communautés, les données montrent également plus clairement les différences régionales que la plupart des sondages religieux. Le catholicisme romain, par exemple, qui s’est développé au moins en partie grâce à l’immigration en provenance d’Amérique latine, s’est déplacé vers le sud et l’ouest. Il existe des communautés au Nevada, en Arizona et en Californie qui revendiquent 6 000 à 10 000 adhérents, bien que ces personnes ne se présentent probablement pas à chaque messe dominicale.

La Floride et le Texas ont tous deux connu une croissance du nombre de personnes se déclarant religieuses, qui semble liée à l’augmentation de leur population. À l’autre bout du pays, l’adhésion religieuse est en baisse dans le Upper-Midwest.

Les données montrent que, dans de nombreux comtés, le nombre de personnes activement religieuses a diminué d’environ 5 % en l’espace d’une décennie.

« Ce qui n’est probablement pas perceptible pour le résident moyen », déclare Ryan Burge. « Pour la plupart des Américains, c’est une stabilité relative. »

Cependant, alors que le nombre de non religieux et de non dénominationnels continue à augmenter, les observateurs pourraient être contraints de revoir certaines des explications courantes des changements d’affiliation religieuse. La notion de « tension culturelle », soutenue par Rodney Stark, par exemple, a été beaucoup utilisée pour expliquer le déclin des Églises protestantes de gauche et le succès numérique des communautés évangéliques. Mais cette thèse, qui a longtemps suscité le scepticisme des experts en la matière, ne correspond pas aux données relatives à la diversité religieuse au niveau des comtés et n’explique pas les récentes fluctuations parmi les évangéliques et les nombreuses communautés chrétiennes qui s’affranchissent de leur identité dénominationnelle.

Quelle que soit l’explication, il est clair que les non dénominationnels sont en croissance, comme les non religieux. Et dans les années à venir, il est probable que de plus en plus d’Églises protestantes laisseront derrière elles les noms de dénomination.

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[ This article is also available in English. See all of our French (Français) coverage. ]

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