La compréhension qu’ont les évangéliques américains de la théologie semble s’être troublée. Dans une enquête de 2022 sur l’état de la théologie publiée par Ligonier Ministries et Lifeway Research, plus de la moitié d’entre eux soutenaient des images hérétiques de Dieu.

Le rapport renvoie à l’enseignement du fondateur de Ligonier, R. C. Sproul, selon lequel « Nous sommes tous des théologiens ». « Toutefois, le Dr Sproul s’empresserait d’ajouter que tout le monde n’est pas un bon théologien », peut-on lire dans le descriptif. Cette mise en garde s’applique à la population en général et aux évangéliques en particulier.

Dans le contexte américain, il semble que les personnes sondées s’éloignent d’année en année d’une compréhension orthodoxe de Dieu et de sa Parole. Plus de la moitié du pays (53 %) affirmait que les Écritures « ne sont pas littéralement vraies », contre 41 % au commencement de cette enquête bisannuelle en 2014.

Sur les huit années d’étude, les chercheurs qualifient le rejet de l’origine divine de la Bible de « tendance la plus claire et la plus cohérente ».

« Cette approche permet aux individus d’accueillir les enseignements bibliques avec lesquels ils se sentent à l’aise tout en rejetant simultanément tout enseignement biblique qui n’est pas en phase avec leurs propres opinions ou avec des valeurs culturelles plus larges », écrivent les chercheurs.

Les évangéliques américains (définis par leur croyance et leur appartenance à une église) partagent clairement certaines convictions religieuses fondamentales. Plus de 90 % d’entre eux affirment que Dieu est parfait, qu’il existe en trois personnes, que la résurrection corporelle de Jésus est réelle et que les humains sont rendus justes non pas par leurs œuvres, mais par leur foi en lui.

Mais, dans certains domaines, des répondants évangéliques témoignent d’incompréhensions significatives et se démarquent peu des tendances de la société en général.

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Dans l’enquête de 2022, environ un quart des évangéliques (26 %) déclaraient que la Bible n’est pas littéralement vraie, contre 15 % en 2020. Ils sont également plus nombreux à considérer que la croyance religieuse est « une question d’opinion personnelle » et pas de « vérité objective » ; 38 % en 2022, contre 23 % en 2020.

Voici cinq des croyances non orthodoxes les plus répandues parmi les évangéliques interrogés dans le cadre de l’enquête de 2022 :

1. Jésus n’est pas le seul chemin vers Dieu.

Plus de la moitié — 56 % — des répondants évangéliques affirmaient que « Dieu accepte le culte de toutes les religions, y inclus le christianisme, le judaïsme et l’islam », contre 42 % en 2020. Bien que la question n’englobe pas toutes les religions, elle indique une tendance à l’universalisme : croire qu’il existe des moyens de contourner Jésus pour s’approcher de Dieu et être accepté par lui.

On est là en contradiction avec la théologie orthodoxe que l’on trouve dans les Écritures, dans lesquelles Jésus affirme : « C’est moi qui suis le chemin, la vérité et la vie. On ne vient au Père qu’en passant par moi. » (Jn 14.6)

2. Jésus a été créé par Dieu.

Une proportion surprenante de 73 % de personnes est d’accord avec l’affirmation selon laquelle « Jésus est le premier et le plus grand être créé par Dieu ».

Il s’agit d’une forme d’arianisme, une hérésie populaire apparue au début du quatrième siècle de notre ère. Ceux qui y croyaient ont suscité un tel émoi qu’ils ont conduit à la réunion du tout premier concile œcuménique de responsables d’églises. Ceux-ci ont échangé puis dénoncé ces croyances et d’autres comme étant hérétiques, car contraires aux Écritures.

Le Concile de Nicée a donné naissance au Symbole de Nicée, qui affirme notamment que Jésus est « engendré, non pas créé » et qu’il est « consubstantiel au Père », comme l’indiquent des passages tels que Jean 3.16 et Jean 14.9.

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3. Jésus n’est pas Dieu

Compte tenu de ces convictions sur Jésus comme être créé, il n’est pas très surprenant que 43 % des personnes interrogées aient affirmé que « Jésus était un grand maître, mais qu’il n’était pas Dieu », ce qui est une autre forme de l’hérésie arienne.

On nie ici la divinité du Christ et son unité avec Dieu le Père en tant que membre égal de la Trinité, un seul Dieu en trois personnes. Cette croyance est considérée comme la croyance orthodoxe classique depuis l’Église primitive et se fonde sur de nombreux passages bibliques, comme celui où Jésus dit : « Le Père et moi, nous sommes un. » (Jn 10.30) Pour cela, il est accusé de blasphème (et menacé de lapidation) par les chefs religieux qui voient bien là qu’il prétend être Dieu.

4. Le Saint-Esprit n’est pas un être personnel.

En ce qui concerne la Trinité, 60 % des répondants évangéliques à l’enquête ont des doutes sur son troisième membre, estimant que « le Saint-Esprit est une force, mais n’est pas un être personnel ».

Certes, l’Esprit de Dieu est souvent décrit comme une force impersonnelle dans la Bible (parfois comme une colombe, un nuage, du feu, du vent ou de l’eau), mais ce ne sont que des métaphores exprimant la présence personnelle de l’Esprit. Les Écritures affirment clairement que l’Esprit est pleinement Dieu, tout comme Jésus et le Père, qui nous a envoyé l’Esprit. Tel est par exemple le cas lorsqu’Ananias est accusé d’avoir menti simultanément au Saint-Esprit et à Dieu (Ac 5.3-4).

5. L’homme n’est pas pécheur par nature.

Il est intéressant de noter finalement que 57 % des évangéliques interrogés sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle « tout le monde pèche un peu, mais la plupart des gens sont bons par nature ». En d’autres termes, les humains sont capables de commettre des péchés individuels, mais nous n’avons pas une nature pécheresse.

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De nombreux évangéliques américains croient ainsi que les humains naissent fondamentalement bons, ce qui tend vers une hérésie connue sous le nom de pélagianisme. Celle-ci revient à nier la doctrine du « péché originel », qui se fonde sur un certain nombre de passages bibliques tels que Romains 5.12. Même David, dans l’Ancien Testament, reconnaissait que les humains naissaient dans le péché : « Oui, depuis ma naissance, je suis coupable ; quand ma mère m’a conçu, j’étais déjà marqué par le péché. » (Ps 51.7)

Les personnes interrogées étaient considérées comme de conviction évangélique si elles étaient tout à fait d’accord avec les croyances en la Bible en tant qu’autorité suprême, en l’importance d’encourager les non-chrétiens à placer leur confiance en Jésus comme leur sauveur, dans le fait que sa mort a supprimé la peine du péché et dans le fait que seule la foi en lui apporte le salut. Cette définition en quatre points a été adoptée par Lifeway et l’Alliance évangélique américaine (National Association of Evangelicals) en 2015.

Si les évangéliques se sont éloignés des croyances orthodoxes dans plusieurs questions concernant Dieu, ils ont gagné en assurance dans leur positionnement sur des questions culturelles et éthiques.

Parmi les évangéliques, 94 % pensent que « les relations sexuelles en dehors du mariage traditionnel sont un péché » et 91 % pensent que l’avortement est un péché, soit les niveaux les plus élevés depuis le début de l’enquête.

Il est possible de répondre à l’enquête sur l’état de la théologie et de consulter l’ensemble des résultats et graphiques sur le site stateoftheology.com (en anglais).

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