La version française de cet article a fait l’objet d’une adaptation.

Il nous faut une théologie des excuses.

S’excuser peut paraître simple. Vous avez fait quelque chose de mal (péché) ; vous vous en sentez attristés (affliction ou componction) ; vous l’admettez et en acceptez la responsabilité (confession) ; vous l’exprimez auprès de la ou les personne(s) que vous avez lésées, ainsi qu’auprès de Dieu (repentance) ; et vous prenez les mesures appropriées pour rétablir la situation (réparation).

Voilà pour la théorie. Les choses s’avèrent cependant souvent plus complexes. Il est possible de présenter des excuses sans admettre de faute ni éprouver de regrets. Nous pouvons nous sentir désolés pour des choses dont nous ne sommes pas responsables, comme lorsque nous apprenons qu’un ami est atteint d’un cancer. Il arrive aussi que certains demandent pardon sans avoir l’intention de réparer les torts causés.

Et il est possible — et de plus en plus fréquent — que des institutions s’excusent pour des faits dont seuls certains de leurs membres sont coupables. Les choses se compliquent encore lorsqu’il s’agit des péchés de nos prédécesseurs. Devrions-nous nous excuser pour des choses qui se sont produites avant notre naissance ? Les confesser ? S’en repentir ? Offrir une réparation ?

En se tournant vers les Écritures, on observe quelque chose qui pourrait être surprenant : les personnages bibliques n’emploient pas vraiment les termes que notre monde associe couramment à ce genre de situation. Personne ne se dit réellement « désolé » ou ne demande à être « excusé » face à son péché. […] Esdras, « désolé » ou « atterré » face au péché de son peuple, semble faire figure d’exception. Les invités au repas de noces d’une des paraboles de Jésus demandent certes à être « excusés » (Lc 14.18-19), mais on voit bien la légèreté qui les caractérise.

On pourrait donc penser que la Bible offre peu de ressources pour élaborer une théologie des excuses. À bien des égards, c’est pourtant tout le contraire. Au lieu d’expressions vagues comme « désolé » ou « excuse-moi », le Nouveau Testament distingue face à notre péché trois réponses distinctes, mais liées entre elles. Cette richesse me semble pouvoir nous aider à démêler ce qui se passe lorsque des individus ou des institutions « s’excusent ».

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Un premier terme, lupeō, exprime le fait de ressentir du chagrin, de la peine ou de la douleur. Il y a assurément là une juste réponse au péché. Il s’agit souvent de la première étape, comme lorsque les Corinthiens sont « attristés » d’une manière qui les conduit à la repentance (2 Co 7.9). Cette tristesse n’implique cependant pas nécessairement l’acceptation d’une responsabilité. Hérode est peiné à l’idée de décapiter Jean, mais il le fait quand même. Ce n’est pas la faute des disciples si Jésus est crucifié, mais ils sont néanmoins « profondément attristés » (Mt 17.23).

Cette notion est à distinguer de celle véhiculée par homologeō ou exomologeō, tous deux renvoyant à l’idée d’aveu, au fait d’admettre ou de reconnaître quelque chose. Des individus « confessent » ainsi leur méchanceté face à la prédication de Jean-Baptiste ou de Paul (Mt 3.6 ; Ac 19.18). Jean rassure ses lecteurs en employant la même idée : « Si nous reconnaissons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de tout mal. » (1 Jn 1.9) Il y a là quelque chose d’autre que le chagrin ou le regret. Il s’agit de reconnaître notre échec, d’en assumer la responsabilité et de demander pardon.

Vient finalement le terme metanoeō, d’une richesse extraordinaire, qui traduit l’idée de se repentir, de faire demi-tour et de changer d’attitude et de vie en conséquence. Il est courant de ressentir de la tristesse ou des regrets pour nos erreurs. Beaucoup d’entre nous sont même heureux de les admettre et de les confesser, en particulier celles qui sont culturellement acceptables. Mais le Christ nous appelle à quelque chose de plus : un demi-tour, un changement total de direction et d’allégeance, une mort à soi-même et une nouvelle vie en lui, avec toutes les transformations qui en découlent.

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Si ce retournement ne produit pas de bons fruits, il ne s’agit pas d’une véritable repentance (Mt 3.8 ; 7.16-20). Mais si notre vie en est changée — jusqu’à nous pousser à réparer les torts que nous avons causés — alors le salut est bel et bien entré dans notre maison (Lc 19.8-10).

L’affliction, la confession et la repentance sont des choses distinctes. Cependant, tous trois nous sont nécessaires lorsque nous constatons la réalité et l’horreur de notre péché et la grâce du Dieu qui offre le pardon. À l’instar de Néhémie, nous nous affligeons et nous pleurons (Né 1.4). Puis nous confessons et admettons nos torts (v. 6-7). Finalement, nous faisons demi-tour et revenons à l’obéissance (v. 8-9). Dans certains cas, nous pouvons aussi avoir à reconnaître les péchés de nos prédécesseurs dans la mesure où nous les partageons nous-mêmes. Et nous terminons en faisant appel à la miséricorde de Dieu, certains que celui qui nous a appelés et rachetés entendra notre prière (v. 10-11).

Andrew Wilson est pasteur enseignant à la King’s Church de Londres et auteur de Remaking the World.

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