Lorsque Roger, un homme de plus de 80 ans, est arrivé à l’unité de soins intensifs, il souffrait déjà des effets de plusieurs affections en phase terminale. Sa santé s’était tellement dégradée que même la lecture de la Bible lui était devenue difficile. Déjà épuisé par la maladie, il avait accepté une tentative de résection de son cancer pour faire plaisir à sa famille, mais avait insisté auprès de sa femme pour qu’elle n’autorise pas une réanimation cardio-pulmonaire ou la mise en place d’un respirateur si son état s’aggravait après l’opération. « Je veux que tu me laisses être avec Dieu quand il m’appellera », lui avait-il dit.

Après l’opération, ses poumons ont tragiquement défailli. Conformément à ses souhaits, plutôt que d’installer un respirateur, ses soins ont été axés sur le confort. Sa femme a passé la soirée à ses côtés, lui caressant la main, priant pour lui et chantant doucement à ses côtés.

Mais plus tard dans la nuit, le fils du couple, qui était éloigné d’eux, est entré en trombe dans l’unité de soins intensifs. « Vous n’allez pas tuer mon père ! », criait-il au personnel. « Je connais mon père. C’était un homme craignant Dieu qui, jusqu’à il y a six mois, allait à l’église tous les dimanches. Il ne serait pas d’accord avec ça ! »

La situation déchirante de cette famille est terriblement commune. Les technologies médicales disponibles confrontent de plus en plus les familles à de terribles dilemmes au sujet des soins à apporter à leurs proches mourants. Jusqu’à 70 % des personnes ne peuvent s’exprimer elles-mêmes en fin de vie. La charge de la décision incombe alors aux proches, dont beaucoup sont déjà sous le coup de la peur et du chagrin. Le tribut payé par les familles est lourd : les proches souffrent souvent de dépression, d’anxiété, voire de syndromes de stress post-traumatique pendant une période pouvant aller jusqu’à un an après avoir pris ces décisions liées à la fin de vie.

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Aux États-Unis, seul un tiers des Américains ont établi des directives préalables. La plupart des familles traversent donc ces épreuves sans direction claire. Ceux d’entre nous qui suivent le Christ s’appuient instinctivement sur leur foi pour trouver leur chemin dans de telles tempêtes, mais le paysage de la mort à l’hôpital nous est souvent si étranger que, comme pour la famille de Roger, nous pouvons avoir du mal à appliquer les vérités que nous proclamons chaque dimanche aux dures réalités du chevet du malade.

Comment honorer à la fois Dieu et nos proches dans les décisions de fin de vie, lorsque chaque chemin semble semé d’embûches ?

La Bible ne mentionne pas les respirateurs ou la réanimation cardio-pulmonaire, mais elle reste une lampe à nos pieds et une lumière sur notre sentier (Ps 119 105). Penser les soins en fin de vie dans une optique chrétienne nécessite à mes yeux de prendre en compte les principes clés suivants :

1. Le caractère sacré de la vie humaine

En tant qu’êtres créés à l’image de Dieu, nous possédons tous une valeur irrévocable. Le Seigneur nous confie la vie et nous ordonne de la chérir (Ge 1.26-28 ; Ex 20.13 ; 1 Co 6.19-20). Le caractère sacré de la vie humaine nécessite que nous défendions les enfants à naître et que nous nous opposions au suicide médicalement assisté. Lorsque nous sommes confrontés à une série de décisions concernant les mesures de maintien en vie, nous devrions, par souci de la vie, prendre au sérieux tous les traitements susceptibles d’apporter la guérison.

2. L’autorité de Dieu sur la vie et la mort

La mort persiste ici-bas comme salaire de notre péché (Rm 6.23). Jusqu’au retour du Christ, elle nous rattrapera tous (Es 40.6-8 ; Rm 5.12). Lorsque nous nous aveuglons sur notre propre mortalité, nous risquons d’ignorer pour notre vie la puissance de la grâce de Dieu manifestée à la résurrection de Christ. Le caractère sacré de notre vie humaine n’empêche pas le caractère inéluctable de la mort ni l’action de Dieu à travers elle et son autorité sur elle.

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3. La miséricorde et la compassion

En tant que chrétiens qui s’appuient sur la grâce de Dieu envers nous en Christ, nous devons faire preuve de miséricorde envers les opprimés et les affligés (Jn 13.34 ; 1 Jn 3.16-17 ; Lc 6.36). Si les respirateurs et la réanimation cardio-pulmonaire peuvent sauver des personnes atteintes d’une maladie réversible, en fin de vie, ces mesures risquent aussi de prolonger des souffrances sans pour autant restaurer la vie. La miséricorde ne justifie pas l’euthanasie active ou le suicide médicalement assisté, mais elle nous conduira à éviter des interventions invasives et douloureuses si ces mesures sont inutiles.

4. Notre espérance en Christ

L’amour de Dieu pour nous en Christ est si grand que rien — pas même la mort — ne peut nous arracher à lui. Même dans la souffrance, nous trouvons appui sur la promesse de la résurrection du corps et l’espérance d’une union éternelle avec Dieu (Jn 11.25-26 ; 1 Th 4.14). En Christ, plutôt que le dernier ennemi à craindre à tout prix, la mort est la fin de notre vie dans le péché et notre entrée dans l’éternité. Même si nous mourons, nous restons vivants en Christ.

En résumé, dans les dilemmes de fin de vie, la Bible nous exhorte à :

  1. chercher à guérir lorsque la guérison est possible,
  2. accepter la mort quand elle arrive,
  3. nous préoccuper de ceux qui souffrent,
  4. tout cela en restant attachés à notre espérance en Christ, qui transforme la mort.

Ces principes peuvent paraître assez clairs sur le papier, mais les choses se compliquent cependant souvent au chevet du patient. Une question clé me semble pouvoir nous aider : Le processus menaçant la vie de cet être cher est-il réversible ? En d’autres termes, le traitement laisse-t-il espérer la préservation de la vie ou la prolongation de la souffrance pour aboutir à la mort ?

Il est essentiel de préciser que les mesures de maintien en vie sont des mesures de soutien et non des mesures curatives. Les respirateurs, la réanimation cardio-pulmonaire et autres interventions similaires ne guérissent pas les maladies, mais permettent de gagner du temps en soutenant le fonctionnement des organes pendant que les médecins s’efforcent de traiter le problème. Pour permettre de discerner et déterminer si les mesures envisagées sont plus susceptibles de sauver la vie ou de prolonger sa fin, posez les questions suivantes à l’équipe médicale :

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  • Quelle est la maladie qui menace la vie de ce proche ?
  • Comment menace-t-elle sa vie ?
  • Quelles sont les chances de rétablissement ?
  • Qu’est-ce qui, dans les antécédents médicaux de mon proche, influe sur ses chances de guérison ?
  • Les traitements disponibles peuvent-ils apporter la guérison ?
  • Les traitements disponibles risquent-ils d’aggraver la souffrance sans grand espoir de réel bénéfice ?

Lorsque la guérison est possible, il convient de poursuivre le traitement. En revanche, lorsqu’une maladie ne peut être guérie ou même atténuée, certaines mesures invasives peuvent prolonger l’agonie et infliger des souffrances inutiles.

Lorsque l’efficacité du traitement est ambiguë, la tâche est encore plus difficile. La question clé à se poser est peut-être la suivante : que dirait mon proche des options proposées ? Une telle approche exige que nous considérions la personne aimée comme Dieu la voit : chérie, pardonnée, merveilleusement faite et unique, sans véritable équivalent sur terre (Ps 139.13-14 ; Ep 1.7). Avec cette responsabilité en tête, une autre série de questions pourrait nous aider :

  • Qu’est-ce qui compte le plus pour cette personne que j’aime ? Qu’est-ce qui la motive dans la vie ?
  • S’est-elle exprimée par le passé à propos de ses soins en fin de vie ?
  • Quels sont ses objectifs à court terme ? Pour sa vie en général ?
  • Qu’est-elle prête à endurer pour atteindre ces objectifs ? Qu’est-ce qu’elle ne voudrait pas affronter ?
  • Dans quelle mesure mon proche a-t-il supporté la douleur par le passé ? La dépendance ? Le handicap ? La peur ?
  • S’il pouvait parler pour lui-même, que dirait-il de la situation actuelle ?

Ces questions visent à aider à remettre en lumière la personnalité, les expériences et les valeurs de l’être cher afin de pouvoir davantage parler en son nom qu’en votre nom propre lorsque vous devrez prendre de lourdes décisions.

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Même si vous êtes aux prises avec le chagrin et l’incertitude, en donnant la parole à votre proche mourant, vous lui offrez un cadeau de départ. Vous l’honorez comme étant digne d’amour et, ce faisant, vous êtes aussi un instrument entre les mains du Christ auprès de lui (Jn 13.34-35). Rappelez-vous que vous servez celui qui a déjà englouti la mort dans la victoire (1 Co 15.54). Et bien que nous gémissions encore pour l’instant (Rm 8.22), lui est en train de renouveler toutes choses (Ap 21.4-5).

Kathryn Butler, docteure en médecine, a interrompu sa carrière de chirurgienne en traumatologie pour faire l’école à la maison pour ses enfants. Elle est l’autrice de plusieurs livres, dont Between Life and Death: A Gospel-Centered Guide to End-of-Life Medical Care et Glimmers of Grace: A Doctor’s Reflections on Faith, Suffering, and the Goodness of God.

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