Les débats sur la place du christianisme dans la société refont régulièrement surface en Europe. À l’occasion du dernier lundi de Pentecôte, le maire de Grenoble, en France, a déclenché une controverse en affirmant que la société française avait évolué et pourrait se défaire des fêtes religieuses. Pointant le grand nombre de non-croyants qui ne suivent pas le calendrier religieux et de musulmans qui célèbrent d’autres fêtes, Éric Piolle propose de supprimer les fêtes chrétiennes du calendrier civil.

Les Français célèbrent actuellement officiellement le lundi de Pâques, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, l’Assomption de la Vierge Marie, la Toussaint et Noël. Pour le maire de Grenoble, ces jours fériés pourraient être remplacés par des jours célébrant des moments clés de l’histoire de France.

Nous avons interrogé cinq responsables évangéliques d’Europe francophone : les chrétiens devraient-ils être ouverts à ce que les évolutions de la société qui les entoure conduisent aussi à une sécularisation du calendrier officiel ?

Pierre-Sovann Chauny, professeur de théologie systématique à la Faculté Jean Calvin, Aix-en-Provence :

Non. L’effacement des fêtes religieuses chrétiennes du calendrier civil français devrait être refusé. D’abord, il importe de maintenir une certaine conscience de ce que l’histoire française doit au christianisme et de continuer à souligner le caractère public de la vie spirituelle des chrétiens. Ensuite, ces célébrations fournissent aux chrétiens des occasions spéciales de témoignage concernant la vie, la mort, la résurrection et le règne du Christ. Enfin, leur présence renforce notre liberté religieuse. Leur suppression pourrait au contraire être un prélude à la persécution.

Fabien Fourcasse, pasteur de l’Église évangélique baptiste d’Amiens, Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France :

Plutôt non. Au-delà de l’enjeu des traditions, la présence de jours fériés confessionnels dans le calendrier exprime quelque chose d’un projet de Dieu pour la société. Trop souvent, les croyants s’arrêtent au projet de Dieu pour l’individu. En célébrant ces jours fériés dans la société, nous signifions que Dieu à un projet pour l’ensemble de la création ; hommes, mais aussi animaux, végétaux, minéraux… Cependant, ce positionnement en faveur d’une présence sociétale de la foi invite les croyants à annoncer et vivre selon ce projet de Dieu pour que la voix du Christ devienne audible pour le plus grand nombre.

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Victoria Déclaudure, autrice et pasteure au sein de l’équipe Assemblées de Dieu d’Angers :

Plutôt oui. Aucun texte biblique n’impose aux croyants évangéliques de fêter tel ou tel jour. Certaines fêtes de remplacement qu’on pourrait proposer dans le cadre de la sécularisation de la société, tels la fin de l’esclavage ou les droits des femmes, résonneraient très positivement avec l’Évangile. Il est difficile d’imaginer la suppression de Noël ou Pâques, ancrés dans la culture et l’histoire en Europe, et que de toute façon, chacun célèbre selon sa propre sensibilité.

Jean-René Moret, auteur et pasteur de l’Église évangélique de Cologny, Fédération romande d’Églises évangéliques :

D’après le Nouveau Testament, il n’y a pas de jour férié qui soit obligatoire pour les chrétiens. Pour Paul, on peut indifféremment considérer tous les jours comme égaux, ou bien prêter attention à des jours particuliers (cf. Rm 14.5). La situation où des chrétiens ont pu déterminer le calendrier de sociétés entières est atypique ; notre mission n’est pas de la maintenir. Par contre, dans la mesure du possible, il faut demander à ce que les croyants puissent encore chômer les jours dont ils ont besoin pour les fêtes religieuses.

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Gilles Boucomont, auteur et pasteur de la paroisse de Paris-Belleville, Église protestante unie de France :

Réévangélisons le pays plutôt que de nous battre pour des jours ! La déchristianisation massive fait que des dates essentiellement chrétiennes pour des jours fériés semblent décalées avec le réel de la société française (10 % de chrétiens un peu pratiquants). Il serait possible de rétrocéder le 15 août, qui ne fédère pas tous les chrétiens, ou le jeudi de l’Ascension qui n’est même pas férié dans la très catholique Espagne.

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