La célébration, le 21 juin dernier, de la Journée internationale du yoga instaurée par les Nations unies depuis 2015 et conduite cette année par le Premier ministre indien Narendra Modi lors de sa visite à New York, a souligné la popularité mondiale de cette pratique.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une religion, cette ancienne tradition orientale est mentionnée dans les écritures sacrées de l’hindouisme, telles que la Bhagavad Gita. Mot sanskrit signifiant « union » ou « joug », le yoga vise à unir le corps, l’esprit, l’âme et la conscience universelle, permettant ainsi à ses pratiquants d’expérimenter la liberté, la paix et l’accomplissement de soi.

La pratique du yoga implique diverses techniques physiques, mentales et spirituelles, notamment des exercices de respiration, des postures, de la relaxation, des chants et de la méditation. Il existe différents styles de yoga, chacun ayant son propre objectif et sa propre approche pour atteindre un « état unitif ».

Les racines du yoga remontent aux textes du Rig-Véda et des Upanishads. L’un des textes les plus connus est le Yoga Sutras, écrit par Patanjali vers 200 avant J.-C. Dans ce texte fondateur, l’ancien érudit décrit le yoga comme la cessation des fluctuations de l’esprit.

Comme l’indique un site web qui y est consacré, cette pratique ancestrale revêt une importance spirituelle, cherchant à contrôler l’esprit, à atteindre un état de conscience détaché du monde extérieur et à se libérer du cycle de la naissance et de la mort.

Depuis son entrée en fonction en 2014, le gouvernement indien de Modi a activement promu le yoga comme pratique culturelle et spirituelle. Il en a même fait un outil d’influence diplomatique pour la politique étrangère de l’Inde.

Cependant, une vaste étude menée par le Pew Research Center auprès d’environ 30 000 adultes indiens a révélé que 6 personnes sur 10 déclarent ne jamais pratiquer le yoga, dont 6 hindous sur 10. Seules 35 % des personnes interrogées ont déclaré avoir déjà pratiqué le yoga, 22 % le pratiquant une fois par mois ou moins et 7 % seulement le pratiquant quotidiennement.

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Selon l’enquête de Pew, en Inde, les hindous ne sont pas « le groupe religieux le plus susceptible de pratiquer le yoga ». La pratique des jaïns (62 %), des sikhs (50 %) et des bouddhistes (38 %) est plus importante que celle des hindous (36 %). Du côté des Indiens musulmans, seuls 29 % pratiquent le yoga. Les Indiens chrétiens, eux, le pratiquent à 24 %.

Pew constate que seuls 3 % des chrétiens pratiquent le yoga tous les jours, ce qui est la proportion la plus faible des six groupes religieux comparés. Les sikhs (14 %) sont les plus susceptibles de pratiquer le yoga quotidiennement, suivis par les bouddhistes (12 %), les jaïns (11 %), les hindous (7 %) et les musulmans (6 %).

Les tendances politiques jouent un rôle également, puisque 38 % des Indiens ayant une opinion favorable du BJP, le parti de Modi, déclarent pratiquer le yoga, contre 31 % des personnes ne le soutenant pas.

Alors que les racines spirituelles du yoga sont hindoues, une enquête Pew menée en Europe occidentale auprès d’adultes a permis d’évaluer dans quelle mesure le yoga y est considéré comme un simple exercice physique ou également comme une pratique spirituelle. Les résultats ont montré que de nombreux Européens de l’Ouest — une moyenne régionale de 26 %, dont 4 Suédois, Portugais et Finlandais sur 10 — reconnaissaient la signification spirituelle du yoga au-delà de ses vertus physiques.

Nous avons demandé à une experte hindoue en yoga, qui pratique depuis huit ans et enseigne depuis cinq ans, si pour elle, le yoga est un simple exercice physique ou s’il a également une portée spirituelle.

Ensuite, cinq responsables chrétiens indiens ont été invités à répondre à la question : Le yoga est-il trop hindou pour que les chrétiens le pratiquent ? Leurs réponses vont du oui au non.

Pinky Choubey, professeure de yoga hindou, Noida, Uttar Pradesh :

Le yoga a assurément une signification spirituelle. Lorsque vous en approfondissez l’exercice et que vous pratiquez la méditation, vos sens évoluent vers la spiritualité. Le yoga est clairement lié à l’hindouisme. Quiconque suit la Bhagavad Gita est automatiquement lié au yoga.

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Le yoga est bien plus qu’un simple exercice physique, c’est un exercice spirituel. Selon [l’ancien maître spirituel hindou] Swami Sivananda, « la pratique du yoga mène à la communion avec le Seigneur. Quel que soit le point de départ, le but atteint est le même ». Le yoga se présente sous la forme de quatre grandes voies : Karma, Bhakti, Raja et Jnana. Le Karma yoga implique l’aspect actif de l’esprit ; le Bhakti yoga, l’aspect émotionnel ; le Raja yoga, l’aspect mystique ; et le Jnana yoga, l’aspect intellectuel.

Il est trop superficiel de qualifier le yoga de simple exercice. L’hindouisme et le yoga sont intimement liés. Les gens en prennent de plus en plus conscience ces derniers temps.

Jaykar Kristi, ancien sadhu (ascète) hindou qui a pratiqué le yoga pendant 10 ans avant de devenir chrétien, et aujourd’hui pasteur à Indore, Madhya Pradesh :

Les chrétiens ne devraient pas pratiquer le yoga. Yoga signifie union — mais union avec qui ou quoi ?

Pratiquer le yoga nous amène à nous dépouiller de toute pensée — c’est là tout l’objectif. Le yoga enseigne comment moduler sa respiration. Il est basé sur le contrôle et la manipulation de la respiration et vise ainsi à atteindre l’absence de pensée.

Mais en tant que chrétiens, nous prions consciemment, ainsi que dans l’Esprit, et nous prions en utilisant notre esprit. Comme le dit la Bible dans Marc 12 : « Nous sommes appelés à adorer le Seigneur de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre force et de tout notre esprit. »

Une séance de yoga commence généralement par la salutation au soleil (Surya Namaskar), qui consiste à vénérer le soleil. Les chrétiens adorent le Créateur, et non la création. Nous nous inclinons devant le seul Dieu vivant.

Sunita Howell, directrice de l’école internationale Caleb, Gurgaon, Harayana :

Pour moi, il est évident que le yoga est une pratique hindoue. Il découle d’une prise de conscience du Purusha, la puissance suprême qui n’est pas altérée par l’affliction et ses causes. Le yoga se pratique en chantant « Om », [un son considéré comme sacré et ancien dans l’hindouisme et les autres religions orientales].

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La conscience de soi m’amène à confesser que je suis pécheresse et que j’ai besoin d’une aide extérieure. Cette aide, c’est Jésus seul qui nous la donne.

Leela Manasseh, responsable au sein de Global Spiritual Care Networks et de Singles Asia, Bangalore, Karnataka :

Le yoga est en soi une forme de culte. Je connais plusieurs chrétiens qui le pratiquent en récitant des psaumes. Personnellement, je ne suis pas favorable au yoga, car il existe d’autres exercices pour améliorer notre santé et renforcer notre immunité.

Si certains chrétiens aiment faire du yoga, je ne les juge pas, mais personnellement je m’abstiens de cette pratique.

Dorcas Isaac, directrice d’école à la retraite, Mysore, Karnataka :

Je suis actuellement trois cours de yoga par semaine. J’ai découvert que cette pratique a une base scientifique et que le « Om » n’est qu’un son. Shanti signifie « paix », [… et] les exercices de yoga nous rendent souples, actifs et énergiques. Dans les écoles, le yoga est à présent enseigné dans le cours d’éducation physique et non dans celui de religion hindoue.

Plusieurs chrétiens viennent chez moi une fois par semaine pour participer au cours de yoga. Nous trouvons tous les exercices très utiles. Même si l’origine du yoga est hindoue et que nous pratiquons les asanas (poses de yoga), je pense que cela ne pose pas de problème. Nous récitons des versets bibliques au lieu des shlokas (strophes) et des mantras sanskrits.

Nous ne pensons pas qu’il y ait quoi que ce soit d’hindou là-dedans. Nous sommes satisfaits des résultats du yoga. Nous le pratiquons maintenant depuis 3-4 mois. C’est pour nous un exercice physique qui a des appuis scientifiques.

Mohit Singh, prédicateur laïc, Église méthodiste, Noida, Uttar Pradesh :

Je ne pense pas que le yoga soit trop hindou pour être pratiqué par des chrétiens. Mais ils doivent être au clair sur les raisons qui les poussent à cette pratique.

Dans mon cas, il s’agissait uniquement de suivre un programme d’exercices assistés pour m’aider à perdre du poids et à me remettre en forme. Il existait d’autres options comme la zumba et les cours de danse Pilates, mais je trouvais ces pratiques trop excessives pour moi. L’approche des cours de yoga était plus progressive.

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Au début, j’ai été surpris d’entendre l’instructeur de yoga et les élèves chanter Om et le mantra Gayatri avant et après le cours [Gayatri est le nom de la déesse du mètre védique dans lequel les vers sont composés, et un mantra est une parole sacrée].

En tant qu’élève, j’aurais dû me conformer à ce rituel. Mais je ne l’ai pas fait. Je me suis plutôt souvenu de mon Dieu et je l’ai prié en invoquant son nom et en lui demandant de me guider dans cette nouvelle aventure pour rendre mon corps plus sain.

Je crois que si vos intentions sont bonnes, Dieu ne se sentira pas offensé et vous fournira un moyen de faire face à ces situations délicates. Personne ne m’a forcé à réciter les mantras et j’ai continué à faire les exercices décrits par l’instructeur en priant mon Dieu.

Je me souviens avoir hésité pour effectuer les différentes asanas qui sont des « poses honorant les dieux [hindous] ». J’ai finalement continué à les pratiquer, mais uniquement pour faire de l’exercice et non pour satisfaire une quelconque divinité [hindoue]. En résumé, pour moi, tant que nos intentions sont claires et que nous ne chantons pas les mantras, tout devrait bien se passer, car Dieu regarde à notre cœur.

Traduit par Anne Haumont

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