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26 églises incendiées au Pakistan. Les chrétiens craignent de nouvelles accusations.

Des profanations du Coran en Suède et la politique du parti islamiste TLP sont vues comme l’origine des violences collectives qui ont entraîné le déplacement de dizaines de familles chrétiennes à Jaranwala.
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26 églises incendiées au Pakistan. Les chrétiens craignent de nouvelles accusations.
Image: Aamir Qureshi/AFP/Getty Images
Des hommes se tiennent au milieu des débris devant l’église Saint John incendiée à Jaranwala, dans la banlieue de Faisalabad, le 17 août 2023, au lendemain d’une attaque perpétrée par des hommes musulmans à la suite d’allégations selon lesquelles des chrétiens auraient profané le Coran.

C’était un lundi. L’église de Sœur Mumtaz était pleine.

Sa communauté s’était réunie le 14 août pour célébrer le 76e anniversaire de l’indépendance du Pakistan en chantant des chants locaux et en priant pour la prospérité de ce pays à majorité musulmane. L’été avait été éprouvant, les Églises pakistanaises comme la sienne ayant eu à condamner ouvertement les récentes destructions de corans en Suède pour assurer leur sécurité et préserver la paix au sein de la communauté.

Pourtant, deux jours plus tard, elle eut la frayeur de voir une foule en colère s’avancer vers son église en brandissant des bâtons, des marteaux et des barres de fer.

Le 16 août, un grondement terrifiant a résonné dans les rues de Chak 120 à Jaranwala, une ville isolée du district de Faisalabad, la troisième plus grande ville de ce pays d’Asie du Sud. Alors que la plupart des hommes étaient déjà partis travailler en ce mercredi matin chaud et humide, Mumtaz et d’autres femmes et enfants chrétiens ont fui vers les champs de canne à sucre situés à proximité.

« À bout de souffle, nous avons couru environ un kilomètre dans les champs et y sommes restés jusqu’à deux heures du matin, sans nourriture, sans abri et sans eau », a-t-elle déclaré. « Chaque fois que les bruits de la foule se rapprochaient, les mères mettaient du tissu dans la bouche de leurs bébés pour étouffer leurs cris, craignant que les assaillants ne nous découvrent et ne nous fassent du mal. »

Les chrétiens du Pakistan, qui représentent moins de 2 % de la population, soit environ 3 millions de personnes, ont longtemps vécu dans la peur. Dans tout le pays, la plupart d’entre eux se trouvent dans la pauvreté la plus totale, cantonnés à des tâches subalternes telles que l’assainissement, le travail agricole et d’autres emplois mal rémunérés.

Les chrétiens pakistanais sont souvent confrontés à des remarques méprisantes : des accusations selon lesquelles leur foi est erronée, leur Bible est corrompue et obsolète, et que Jésus n’était qu’un prophète qui n’est pas mort sur la croix. L’utilisation de la croix comme symbole chrétien est donc considérée comme une représentation trompeuse. La musique religieuse, considérée comme haram ou interdite par la plupart des Pakistanais, est souvent comparée, par dérision, à de la musique de bar.

Bien que ces préjugés aient été constants tout au long de sa vie, Mumtaz s’inquiétait particulièrement de savoir si l’attaque était une mesure de représailles après les corans brûlés en Suède. Depuis ces incidents survenus au début de l’été, plusieurs situations de tensions au sein des communautés se sont produites, notamment à Sargodha, un district situé à environ 200 kilomètres de Lahore. À chaque fois, des chrétiens ont fait l’objet de plaintes en vertu des lois pakistanaises sur le blasphème.

Les chrétiens se trouvent principalement dans la province du Pendjab et, ces dernières années, le très rigide Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP) est devenu l’un des principaux partis politiques, dans les suites de l’acquittement d’Asia Bibi pour blasphème et de l’exécution du policier Mumtaz Qadri, qui avait assassiné Salman Taseer, alors gouverneur du Pendjab, qui s’était prononcé en faveur de la libération de la jeune femme en 2010.

À l’approche des élections qui auront lieu dans trois mois, le TLP, connu pour son activisme agressif et la peur qu’il inspire à de nombreux membres de la communauté musulmane, a intensifié ses activités. Leurs campagnes politiques et populaires passionnées, notamment en réponse aux destructions de corans en Suède, ont amplifié le sentiment d’urgence et la tension dans la région.

Toujours vêtues de vêtements locaux blancs et coiffées de dupattas, Mumtaz et son assistante Saika se qualifient de « sœurs », bien qu’elles n’aient aucun lien avec le catholicisme. Leur Église évangélique non confessionnelle, Sat Sangat Duwaiya (Prière de la vraie fraternité), est devenue une lueur d’espoir pour 55 familles qui gagnent modestement leur vie.

À force de détermination, les deux croyantes ont acquis un lopin de terre dans ce village reculé du nord-est du Pakistan. Elles ont construit des murs et la moitié de l’Église était couverte, mais les travaux de plâtrage et de peinture n’avaient pas encore commencé.

« Des travaux des champs au balayage des routes en passant par le nettoyage des toilettes publiques, nous accomplissons toutes sortes de tâches subalternes tout en étant unis par notre foi chrétienne », raconte Mumtaz. Son église était dotée d’instruments de musique et même d’un système de sonorisation. « Malgré la pauvreté, chaque objet avait été financé centime par centime par cette communauté soudée. Encore trois jours à peine, et nous devions terminer la toiture. »

Au lieu de cela, ils ont trouvé leur église brûlée et ses murs démolis parce que des tensions ont surgi à Jaranwala lorsque des pages déchirées du Coran ont été découvertes dans le centre de la ville. Les haut-parleurs de la mosquée ont immédiatement diffusé des annonces, ce qui a conduit des groupes de villages voisins dans un rayon de 50 kilomètres à se rassembler rapidement. Des chrétiens de ces villages, qui nous ont répondu sous le couvert de l’anonymat, ont identifié le TLP comme l’un des principaux responsables de la mobilisation de masse, qui a vu des centaines, voire des milliers de personnes, se rendre à l’épicentre des troubles. Des motos aux bus, en passant par les camionnettes et les poids lourds, un large éventail de moyens de transport a été utilisé pour converger vers la ville dans un but commun.

La foule s’est déchaînée dans plusieurs villages, dont Chak 61, Chak 126, Chak 238, Chak 20, Chak 120, Chak 22 et Chak 19. Leurs cibles principales étaient les églises, mais dans certains cas, ils ont également attaqué des maisons de chrétiens. À Chak 238, les émeutiers ont d’abord saccagé une église presbytérienne, puis le lycée Alice, situé à une centaine de mètres. Avant de mettre le feu au mobilier de l’école, les émeutiers l’ont d’abord dépouillée de tous ses objets de valeur. Pourtant, cette école, gérée par des chrétiens, offre un enseignement à 200 élèves issus des communautés chrétienne et musulmane.

Il est remarquable que ces groupes, bien que provenant de différents endroits, aient fait preuve d’une étonnante unanimité dans leurs actions. En avançant vers la ville, ils ont méthodiquement cherché et ciblé les églises dans tous les villages qu’ils ont traversés, quelle que soit leur taille. Les sanctuaires ont d’abord été pillés à la recherche d’objets de valeur. Après le pillage, les émeutiers ont profané les croix, brûlé les bibles, détruit les instruments de musique et le mobilier. Les toits et les murs ont subi le gros de leur fureur. Dans certains cas, ils ont utilisé des grues pour abattre les barrières de l’église.

Rakhal Bibi, épouse du pasteur Ashraf Masih, responsable de l’église Khushkhabri (Bonne Nouvelle) affiliée à la confession pentecôtiste à Chak 61, était chez elle lorsque les assaillants ont fait irruption dans sa résidence. Faisant preuve d’une incroyable bravoure, elle les a empêchés d’entrer par la porte. Sans se laisser décourager, ils ont cherché à entrer par une fenêtre et ont tenté d’allumer un feu.

Dans un geste audacieux, elle a alors menacé de s’immoler à côté des bibles s’ils poursuivaient dans leurs intentions destructrices.

« Je les ai également prévenus que s’ils continuaient à mettre le feu, je ferais en sorte que l’un d’entre eux soit piégé avec moi », nous a-t-elle rapporté. Cette déclaration a dissuadé les assaillants, sauvant l’église des flammes.

Dans l’église Yahawa Yari (Jehovah Jireh) située à Chak 61, un jeune homme nommé Shaan Masih, âgé d’à peine 21 ans, a fait preuve d’un immense courage. Alors que les flammes engloutissaient l’église, il a aspergé rapidement d’eau un drap de lit, s’en est enveloppé et s’est élancé dans le brasier. Il a ainsi réussi à sauver au moins 20 bibles qui n’avaient pas encore été consumées par le feu.

L’église Amazing Grace, située à Chak 126, se tenait dans une humble simplicité, délimitée par une simple barrière et abritée sous une tente. On n’y avait pas encore érigé de croix. Cela n’a toutefois pas dissuadé les attaquants. Ils ont démoli le mur d’enceinte de l’église, se sont emparés de la porte en fer et ont pris la tente. « Nous avions prévu de construire une école et une structure plus durable pour l’église », explique le pasteur Ashraf Masih. « Mais les habitants semblaient mal à l’aise avec nos services religieux. Même s’ils n’ont jamais exprimé ouvertement leurs objections, cet incident révèle leurs sentiments sous-jacents. »

Racontant les événements déchirants de cette journée fatidique, Rahat Abbas, membre de l’Église presbytérienne de Chak 61, rapporte que seules les femmes étaient présentes lorsque la foule hostile s’est abattue sur elles. « Ils ont enlevé la croix de force, l’ont attachée à une moto et l’ont traînée sans ménagement dans les rues avant de la jeter dans un égout à ciel ouvert », nous a-t-il déclaré, la voix chargée d’émotion. « La scène était si brutale et chaotique que de jeunes chrétiennes, frappées de terreur, se sont enfuies de chez elles pour tenter désespérément de se mettre à l’abri. Alors qu’elles s’enfuyaient, des hommes à moto les ont suivies, faisant vrombir leurs engins et se livrant à des actes obscènes et indécents, ce qui a encore accentué la peur et le traumatisme. »

Lors d’un incident similaire à l’église de l’Armée du Salut à Chak 61, les émeutiers ne se sont pas contentés de recourir à la force brute, ils sont venus avec une grue. Ils l’ont utilisée pour démolir le mur de l’église, puis ont mis le feu à l’espace sacré. Asghar Masih, un homme de 61 ans dont la maison est adjacente à l’église, a tenté d’intervenir et d’arrêter leurs actions. Cependant, ses efforts ont été accueillis avec violence et les émeutiers se sont mis à le battre. « Pour couronner le tout, après avoir arraché la croix de l’église, ils l’ont traînée dans les égouts ouverts, s’assurant ainsi qu’elle était souillée par des boues fécales », nous a-t-il raconté.

« Après l’assaut de l’église, ils ont tourné leur rage vers nos maisons », se souvient l’habitant dépité. « Alors qu’ils avançaient, nos hommes, nos femmes et nos enfants s’enfuyaient en désespoir de cause dans les champs avoisinants. » Leurs chants menaçants résonnaient derrière nous : « chuhras [terme péjoratif désignant les chrétiens], nous n’épargnerons pas un seul d’entre vous. »

« Nos femmes, serrant dans leurs bras des enfants âgés même de deux jours, se sont réfugiées dans les champs de canne à sucre, où elles ont passé une nuit atroce. »

Masih marque une pause, réfléchissant à l’ironie amère de leur situation. « Il est déchirant de penser que nous, qui nettoyons leurs saletés en tant qu’agents sanitaires, soyons soumis à une telle cruauté et à une telle humiliation de leur part. »

Selon un journaliste de télévision, Iqrar-ul-Hassan, vers 5 heures du matin, des pages du Coran ont été découvertes avec des messages manuscrits insultant l’islam, son prophète et ses adeptes. Les documents émanaient prétendument de Raja Amir, un travailleur sanitaire de 23 ans, probablement analphabète, et de son frère, Rocky Masih.

L’auteur prétendu, sans crainte, aurait laissé son numéro de téléphone, le numéro de sa carte d’identité nationale, ainsi que les noms de son père et de son grand-père. Et des photos de lui et de son père. Hassan rapporte que lorsque Raja a appris cela, certains l’auraient vu se rendre sur les lieux et tenter de s’emparer de ces papiers. Des rapports ultérieurs indiquent qu’il s’est enfui avec les membres de sa famille.

À 9 heures, la majorité des chrétiens de la Christian Colony et du quartier voisin d’Isanagri (quartier de Jésus) avaient évacué leurs maisons, effrayés. Une annonce avait été faite depuis la Jamia Masjid Mehtab, une mosquée d’importance significative située près de la Christian Colony. Selon le premier rapport d’information déposé au poste de police de Jaranwala, l’appel à l’action disait :

« Un chrétien de Christian Town a profané le Saint Coran. Tous les religieux et les musulmans doivent se rassembler devant la Jamia Masjid Mehtab. Pendant que vous vous préoccupez de vos petits déjeuners, vous devriez avoir honte de votre [pauvre] engagement envers l’islam. C’est comme si vous deviez mourir [pour une telle négligence]. Les routes auraient déjà dû être bloquées. Si les forces de l’ordre ne prennent pas de mesures, nous devons protester. »

Selon le rapport, une foule de 500 à 600 personnes, armées de bouteilles d’essence, de tiges et de bâtons, était dirigée par Asif Ullah Shah Bukhari, un dirigeant du TLP. Cette foule s’est rassemblée devant la mosquée avant de lancer son assaut contre le quartier voisin et l’église catholique qui s’y trouve.

Un prêtre catholique, Khalid Mukhtar, nous a déclaré que dès qu’il a eu connaissance de l’incident, il est arrivé à la Christian Colony et a négocié avec les chefs religieux de divers groupes musulmans. Mais toutes les discussions ont échoué.

« J’étais à la Christian Colony lorsque j’ai appris que des foules avaient attaqué la maison paroissiale de Nasrat Colony, qui se trouve à cinq kilomètres de là. » La pression et l’anxiété provoquée par la situation ont fait monter sa tension artérielle en flèche, ce qui a entraîné une accumulation de sang dans son œil. Bien qu’encore souffrant, il s’est précipité vers l’église en flammes.

La fureur de la foule à l’égard des symboles chrétiens était palpable. Après avoir pillé, vandalisé et incendié l’église presbytérienne, l’église Full Gospel Assemblies, des bibles et des maisons à Isanagri, ils ont poursuivi leurs méfaits. Ils sont passés de l’autre côté de la route principale, en direction du cimetière chrétien. Ils y ont brisé les croix marquant l’entrée et même profané celles placées sur les tombes.

Pendant les troubles, la police s’est fait remarquer par son absence, en particulier dans les villages. Dans les quelques zones où les policiers étaient présents, ils sont souvent restés passifs. Certains officiers ont tout de même demandé aux agresseurs de ne pas porter atteinte à l’ordre public, tout en assurant la foule qu’ils partageaient leur indignation et qu’ils veilleraient à ce que les coupables soient traduits en justice. Devant l’incapacité de la police à contenir les manifestants, la situation a dégénéré au point que les Rangers, une force paramilitaire, ont dû être convoqués. Ils sont arrivés tard dans la nuit. À ce moment-là, les services de police avaient réussi à appréhender des suspects. La situation étant enfin maîtrisée, la foule commençait à se disperser.

Dans ces débordements furieux, le motif du pillage était évident. À la Christian Colony et à Isanagri, des cadenas ont été cassés et des bijoux ont été volés.

Dans tout le Pakistan, de nombreuses personnes se sont interrogées sur la négligence dont aurait fait preuve la police lors de ces attaques. Toutefois, Usman Anwar, l’inspecteur général de la police du Pendjab, a une position différente. Il est convaincu que la police a rempli ses devoirs de manière pertinente. Il a souligné que le recours aux armes à feu n’était pas une option, car cela aurait pu entraîner une escalade des tensions et de la violence dans l’ensemble du Pendjab.

Le juge en chef désigné Qazi Faiz Isa a visité la Christian Colony et les maisons incendiées où on lui a dit qu’en dépit de l’ampleur de la catastrophe, un seul officier de police de haut rang avait été déployé. Il a ordonné le déploiement d’autres officiers de police pour mener une enquête.

Actuellement, le Pakistan est dirigé par un gouvernement intérimaire dont les pouvoirs sont limités. Le Premier ministre intérimaire, Anwaar ul Haq Kakar, a exprimé sur Twitter sa profonde détresse face aux images de l’attaque, promettant de prendre des mesures sévères. Parallèlement, le ministre principal de tutelle, Mohsin Naqvi, s’est engagé à restaurer les églises et à offrir des compensations dans un délai court de « trois à quatre jours » et à verser 2 millions de roupies, soit 6 700 dollars, à chaque famille. (Cette compensation serait distincte de celle des Églises.)

Pourtant, ces promesses semblent être diluées au niveau de l’administration locale. Leur version de la « restauration » semble n’être qu’une tentative superficielle d’effacer les preuves de la violence. Des équipes ont été envoyées dans tout Jaranwala pour blanchir et repeindre les traces des attaques. Cet effort minimal, cependant, se concentre sur les églises principales de la ville, négligeant les nombreuses autres églises qui ont subi des dommages importants.

« Ces ouvriers de la rénovation sont équipés de quelques centaines de roupies de lait de chaux. Chaque fois qu’ils repèrent des traces de brûlures, ils les recouvrent de peinture, effaçant ainsi les preuves », rapporte Shaan Masih, de Chak 61. « Les individus de notre quartier — ceux qui ont été impliqués dans les attaques — se promènent librement. Ils se moquent de nous en passant, laissant entendre de manière inquiétante que les choses ne resteront pas paisibles et qu’ils nous “donneront une leçon” en temps voulu. »

Si des centaines de musulmans ont participé aux attaques et aux incendies criminels contre les propriétés chrétiennes, en certains lieux des voisins musulmans se sont portés au secours de leurs voisins chrétiens. À Chak Pathan, par exemple, toute la population musulmane du village s’est unie pour repousser les assaillants, les obligeant finalement à battre en retraite. De même, dans la Christian Colony, les maisons d’une rue ont été épargnées grâce à l’intervention des musulmans chiites. Naseer Ahmad nous a raconté qu’ils avaient bloqué l’entrée de la rue. « Dans cette lutte, beaucoup d’entre nous ont été battus par la foule, mais nous ne l’avons pas laissée entrer. »

Ils ont détourné l’attention des assaillants en affirmant que les maisons appartenaient à des musulmans, plaçant même des versets indiquant la propriété islamique pour mieux convaincre les assaillants. Ces actes de solidarité démontrent qu’au milieu du chaos et de l’hostilité, on trouve encore des exemples d’unité et d’humanité partagée.

Plus de 100 suspects ont été arrêtés en relation avec ces récentes attaques, mais par le passé les auteurs de tels actes ont souvent échappé à toute sanction. L’impunité dont jouissent les auteurs de ces actes odieux est un phénomène troublant.

Par exemple, lors de l’incident de Gojra en 2009, plus de 100 maisons et sept églises ont été incendiées, entraînant la mort de six chrétiens piégés dans le brasier. Pourtant, malgré la gravité de l’incident, personne n’a été tenu pour responsable.

Lors d’un autre incident survenu en 2013, la police s’est substituée aux plaignants après l’incendie de 112 maisons à la Joseph Colony, à Lahore. Cependant, tous les accusés ont finalement été libérés en raison d’un manque de preuves.

Aujourd’hui, alors que la police joue à nouveau le rôle de plaignant dans l’affaire en cours, le scepticisme est généralisé quant aux perspectives de justice, compte tenu notamment de la popularité croissante du TLP à la suite de l’assassinat du gouverneur Taseer et de la glorification de son meurtrier, Qadri, qui s’en est suivie.

Shoaib Suddle, ancien inspecteur général nommé par la Cour suprême du Pakistan en tant que commissaire chargé de superviser la mise en œuvre de son arrêt de juin 2014 sur les droits des minorités religieuses, nous a fait part de ses inquiétudes. Il révèle que deux semaines seulement avant cet événement tragique, il avait mis en garde tous les inspecteurs généraux de la police contre l’escalade des tensions entre les musulmans en Inde et au Pakistan. En outre, il avait pointé que les récents incidents en Suède donnaient un signe que les sentiments pourraient s’échauffer.

« Malheureusement, il semble que mon avertissement soit passé inaperçu », constate-t-il.

Il réfléchit également aux causes profondes de la situation, suggérant qu’il pourrait s’agir d’un oubli de la part des services de renseignement, ou que la situation s’est aggravée trop rapidement pour que les services de renseignement puissent réagir promptement. Suddle croit fermement qu’une enquête impartiale et approfondie est essentielle pour prévenir de telles calamités à l’avenir. En outre, il souligne la nécessité urgente de favoriser l’harmonie interconfessionnelle, de développer le respect mutuel et la compréhension entre les différentes croyances religieuses et de veiller à ce que les droits fondamentaux énoncés dans la Constitution soient véritablement défendus et respectés.

Sous la pression croissante du TLP, le gouvernement pakistanais a été contraint, en juin, de céder à un programme en 17 points qui comprenait notamment la poursuite sous des motifs de terrorisme des personnes soupçonnées de blasphème. Les répercussions de cette capitulation sont apparues rapidement, avec une forte augmentation des cas de ce type suite aux incendies du Coran en Suède.

Après l’épisode tragique de Jaranwala, les inquiétudes n’ont fait que s’intensifier face à une situation qui se détériore plus qu’elle ne s’améliore. En un seul mois, le district de Sargodha a enregistré trois cas de ce type, les forces de police ayant tenté d’empêcher les musulmans d’inciter à la violence collective. Peu après Jaranwala, un autre cas a eu lieu à Sargodha, suivi d’un autre à Sahiwal, situé à environ 155 kilomètres de Lahore et à environ 120 kilomètres de Jaranwala.

Lors d’un récent incident survenu dans la ville de Faisalabad, un habitant musulman a laissé un Coran imbibé d’eau sur le mur de séparation entre sa maison et celle d’une famille chrétienne. Alors que la famille chrétienne a rapidement informé la police, qui a mis le Coran en lieu sûr, la famille musulmane a affirmé que le livre religieux avait été placé là parce qu’il était mouillé. Cet acte apparemment anodin a pourtant suffi à mettre en péril la famille chrétienne.

Un dirigeant chrétien, Aamir Bashir, de Voice of Minorities Pakistan, basé à Multan, nous a fait part de ses préoccupations. Voyant venir les prochaines élections, il observe que « l’influence et la mobilisation croissantes du TLP visent à capter davantage de voix. Nous l’avions craint et, malheureusement, nous ne prévoyons pas de fin immédiate à nos tribulations. »

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